Fondée en 1881 par les frères Harvey, la distillerie de Bruichladdich a connu une existence mouvementée, connaissant plusieurs propriétaires différents et de nombreux arrêts de production.
Par rapport à ses concurrentes d’Islay, elle s’est toujours distinguée par la finesse et l’élégance de ses malts, très peu tourbés en général. En 1995, après plusieurs périodes de sommeil, Whyte & Mackay décide de la fermeture des installations, tout en ne fermant pas la porte à une reprise.
En 2000, après plusieurs essais infructueux, c’est la société d’embouteilleur indépendant Murray Mc David (formé principalement de Mark Reynier, Simon Coughlin et Gordon Wright) qui remporte la vente pour 8,6 millions d’euros, comprenant surtout un stock de 1,4 million de litres de whisky dont les plus âgés remontent à 1984.
L’arrivée de Jim Mc Ewan
Alors que les deux paires d’alambic sont remises en chauffe le 26 août 2001, les nouveaux propriétaires s’adjoignent les compétences de Jim Mc Ewan comme responsable de la production.
Après avoir effectué toute sa carrière à la distillerie Bowmore, située presque en face de Bruichladdich, de l’autre côté du loch, ce dernier est une véritable vedette sur Islay et dans le monde du whisky.
Passionné par ce projet de redémarrage, Jim Mc Ewan y met une fulgurance qui déconcerte parfois. Il va d’abord tirer parti des stocks disponibles pour sortir toute une gamme de malts, des classiques comme les 10, 12 ans, 15 ans, 18 ans etc. Mais aussi des assemblages originaux, comme les Legacy, l’Infinity, The Forty, voire la série des Links, en hommage aux grands terrains de golf écossais.
Le tout dans une même et unique bouteille trapue, avec comme porte-drapeau une même couleur bleu-vert, inédite dans l’univers des malts et déjà parfaitement identifiée par les amateurs. Plusieurs références sont même fortement tourbées, ce qui était inconnu jusqu’à présent à la distillerie.
Côté production, la distillerie a redémarré avec quatre alambics, six fermenteurs en pin d’Oregon et une cuve de brassage, simplement remis en état faute de moyens suffisants pour les remplacer. Malgré des contraintes (manque d’eau notamment), les innovations pleuvent aussi.
En 2003, la distillerie se dote d’une ligne d’embouteillage, la première à Islay depuis des lustres. Le recours à des orges de l’île, de préférence bio, devient la priorité, afin de garantir une parfaite traçabilité, même si les ressources locales ne peuvent pas vraiment suffire aux besoins. Enfin, un gros travail de recherche est mené sur la sélection des levures.
Il y a aussi - et surtout - l’élaboration depuis 2002 de l’Octomore, un malt initialement produit à 80 ppm de phénol et qui est même monté jusqu’à 167 ppm, le plus tourbé jamais produit en Ecosse, et dont les amateurs du monde entier attendent avec impatience la commercialisation prochaine. Ou encore des essais de triple distillation et surtout de quadruple distillation sont entrepris. Là aussi, il faut attendre...
L’an dernier, enfin, a été lancé lors du Festival d’Islay un malt qui a connu une finition dans un fût bordelais de château Lafleur : ses accents superbement fruités ont étonné tout le monde, sans parler de sa bouteille intégralement rouge vif...
Décidément, il faut plus que jamais compter sur Bruichladdich dans l’actualité du monde des malts.

Bruichladdich organic 5 ans - 46%
C'est le premier malt certifié “bio” (que l'on appelle Organic chez les anglo-saxons) que commercialise la distillerie. Le vieillissement a été effectué en fûts de bourbon et en fûts de chêne neuf. 15 000 bouteilles seulement sont mises en vente sur le marché mondial. Par la suite, Bruichladdich prévoit de sortir un malt biologique chaque année.
Couleur : Jaune pale
Nez : Le nez fleure la meule de paille et le champ de blé au soleil.
Bouche : L'attaque est d'abord ronde et moelleuse, puis le malt devient plus relevé et épicé (poivre, gingembre), devenant également plus sec et tapissant tout le passé. On retrouve la dominante céréalière du nez, avec quelques effluves de poire et de coing.
Finale : Finale puissante, plutôt astringente, et d'une belle persistance.
Une entrée en matière plutôt agréable pour un malt de 5 ans seulement ; on devine déjà bien le profil de la distillerie, le moelleux, le fruit(prune), une touche de vanille(bois) et ce coté gourmand légèrement salé.
Bruichladdich 12 ans
Ce 12 ans est le parfait représentant de ce qu'est le style traditionnel de Bruichladdich. Vieilli à 100% en fût de Bourbon, il n'est que légèrement tourbé ce qui laisse toute sa place au fruité subtile qui est la vraie « patte » de Bruichladdich.
Malheureusement, à cause des nombreuses fermetures de la distillerie dans les années 90, les jours de ce fantastique whisky sont comptés et il est disponible seulement sur allocation.
Couleur : Sa couleur est ambrée, voire sombre.
Nez : Les premiers arômes, très secs et médicinaux (iode et herbes) confirment d'entrée son caractère marin.
Bouche : En bouche, le fruité tant apprécié des amateurs de la distillerie avec des saveurs de vanille, de noix de coco ainsi que de litchi.
Finale : La finale est toute à l'image de ce qui précède pour un whisky d'une subtile élégance

Bruichladdich Black Art
Assemblé à partir des stocks importants de Bruichladdich, ce malt millésimé 1989 a pour Jim McEwan un profil mystérieux, un peu cabalistique. Car il a vieilli dans différents types de fûts. 6 000 bouteilles seulement sont mises en vente.
Couleur : Couleur rosé pâle, œil de pigeon
Nez : petits fruits rouges, devenant liquoreux, très vineux, surprenant (chacun verra dans le sens qui lui conviendra)
Bouche : Attaque d'une belle fraîcheur, qui devient vite très relevée, pimentée et poivrée. On retrouve les notes de fruits rouges en arrière-plan (fraise des bois, framboise), faisant penser à une maturation en fût de vin rouge ou de xérès. Le côté vineux se confirme et rappelle certain marc de Bourgogne.
Finale : Longue, sur les mêmes notes et sans aucune lourdeur sucrée.
Plus proche du vin ou vin de liqueur que du whisky, le produit est intéressant mais l’influence du fût est peut-être un peu trop marqué à mon goût.

Bruichladdich - Port Charlotte 8 ans - 60,5%
C'est la quatrième édition du single malt Port Charlotte élaboré par Bruichladdich, avec huit ans de vieillissement du whisky distillé en 2001.C'est aussi la dernière, les stocks étant épuisés... 30 000 bouteilles sont commercialisées pour le monde entier, au degré naturel. Avec Jim Mac Ewans, Port Charlotte est en train de devenir un des malts les plus étonnants d'Islay.
Couleur : Jaune clair, tirant sur la pêche jaune
Nez : Le nez offre à la fois des notes maritimes iodées, un peu de tourbe végétale, des traces d'agrume et une pointe poivrée ! Le tout bien fondu, avec une vraie puissance.
Bouche : En bouche, c'est d'abord une belle suavité qui s'installe, mais bien vite la dominante tourbée prend le dessus, relevée qui plus est par un caractère bien épicé. Mais s'exhalent aussi des notes de pêche jaune, un peu d'agrumes et même de la mangue.
Finale : longue, sur la tourbe, goudron et iode.
Dommage que ce soit la dernière version car il aurait été intéressant de tester avec quelques années de vieillissement en plus. Pour les amateurs de sensation forte bien que les 60.5% ne soient pas aussi imposants que cela.